De 1830 à 1848, Saintes est avant tout douairière, selon l'heureuse expression inspirée du poète Gustave Fort. Veuve inconsolée de son passé d'évêché et de capitale provinciale, elle reste toutefois sereine et met toute son énergie à ne pas rater l'air du temps.
Elle se bat pour ses écoles et son collège, elle démolit son vieux pont devenu impraticable, aménage ses quais, éclaire ses rues, se créé un haras, un théâtre, un hôpital et une maison close, elle se trouve même une identité prestigieuse avec les reliques de saint Eutrope... En plus, elle vote, elle produit, elle vend, autrement dit elle vit.
Avec l'étude historique d'Henri Texier, c'est à la reconstruction de toute une société que le lecteur est convié : une société de bourgeois et d'exclus, une société qui s'angoisse devant les contagions et cherche à s'enivrer de bal en bal, une société qui découvre la modernité à travers le sport, le débat politique souvent violent ou le rêve d'un prochain chemin de fer. Des portraits inoubliables de boutiquiers ou de petits artisans, des batailles épiques entre ceux qui s'y disputent le pouvoir, un choix judicieux de citations de presse et de souvenirs de notables, Saintes douairière est un grand livre d'histoire parce que, constamment, il replonge dans le vécu, dans le concret, dans le quotidien. Jamais l'auteur ne cache ses opinions favorables au progrès et à la justice sociale, son approche de l'histoire saintaise en ressort certes marquée, mais grandie par l'universalité du point de vue. On ne pourra plus évoquer Saintes au XIXe siècle sans le recours au regard sensible et pénétrant d'Henri Texier.